Danse & médecine
Irene Torrebiarte
Depuis que j'étudie ces deux disciplines, j'essaye de les relier, à la fois dans ma vie, en tentant de jongler entre les examens, les gardes, les cours de danse et les répétitions, et dans l'exercice de mes deux métiers. La découverte de techniques corporelles respectueuses de la physiologie et de la biomécanique du corps m'a fait m'interroger sur la douleur et son rapport avec la danse. En tant que danseurs, avons nous une plus grande tolérance à la douleur, comme on le dit traditionnellement des danseurs classiques? En apprenant notre corps de l'intérieur, par le mouvement, le vivons-nous autrement ? C'est ce qui m'a poussée à choisir le sujet de ma thèse, dont le résumé suit.
THESE POURLE DIPLOME DE DOCTEUR EN MEDECiNE
DES de MEDECINE GENERALE
TITRE : La pratique de la danse peutelle améliorer le vécu de la
douleur chronique ? La réappropriation de l'image de soi à
travers la perception de son corps.
RESUME :
En m'appuyant sur une double expérience de médecin généraliste et de danseuse, je me suis intéressée à l'expérience de la douleur en fonction des représentations du sujet.
La douleur chronique nécessite une approche complexe, ciblant en particulier les croyances des patients algiques
concernant leur douleur. La littérature s'y intéressant rapporte que
la douleur chronique nuit à l'image de soi. Je me suis demandé si
la modification des représentations de la douleur et du corps par la pratique de la danse pouvait modifier le vécu douloureux, en prenant l'exemple de la lombalgie chronique.
J'ai recueilli les entretiens semi dirigés de cinq patients
lombalgiques et de cinq danseurs professionnels. Par un travail
d'analyse de contenu, j'ai modélisé le vécu de la douleur en
fonction des croyances, de l'image du corps et de son
retentissement sur l'image de soi. Quatre groupes apparaissent, reflétant l'attitude des sujets face à la menace d'envahissement de l'image du corps que représente la douleur :
L'ambivalence :
l'opposition entre l'image de soi constatée et l'image de soi idéale
La scission :
la séparation de la partie du corps envahie par la douleur
et l'image de soi
La résignation :
l'envahissement subi de l'image du corps
L'adaptation :
l'intégration sereine de la douleur à l'image du corps.
Les danseurs professionnels témoignent d'une connaissance sensorielle empirique et dune valorisation de l'image du corps permettant le maintien d'une image de soi satisfaisante et une gestion sereine de la douleur, favorisant le passage à l'adaptation.
Notre méthodologie est critiquable, l'absence de certitude sur la saturation des données empêchant sa transférabilité. Elle indique cependant que la danse peut
améliorer le vécu douloureux, à travers la modification des croyances, de l'image du
corps et l'acquisition dune connaissance sensorielle de celui-ci, proprioceptive et intéroceptive. La danse, dans une approche d'écoute des sensations pourrait permettre la réappropriation du corps algique.